vendredi 3 juillet 2009

Chroniques teutonnes - 1

29 Juin – je me joue des frontières

La signalétique du chemin que je suis depuis Vevey a un peu changé et je suis paumé; les vélos sur les panneaux ne sont plus les mêmes, le fond n'est plus marron. Que se passe-t-il ?
L'explication vient quelques minutes plus tard : je suis maintenant en Autriche. Je regarde les plaques d'immatriculation des voitures qui sont effectivement différentes. Rien n'a signalé la frontière; je suis passé de Suisse en Autriche à l'insu de mon plein gré.
Pour le déjeuner, je fais mes achats en Autriche; il me faut donc ressortir les euros.
Je rentrerai cependant en Suisse pour déjeuner, à Rorschach, devant le Bodensee, le lac de Constance, bien calme et embrumé. De Rorschach, rien à dire, nous sommes en Suisse, donc, pas une tâche. (J'attire votre attention sur la phrase précédente qui contient une astuce : rorschach / tâche, ça ne vous rappelle rien ?.)

Je continue ma route vers Constance. On ne voit quasiment rien du lac; par contre, la voie ferrée que nous longeons, croisons et recroisons n'a plus de secret pour moi.

Camping quelques km avant Constance, en Suisse donc. Je vais faire quelques achats en ville, et me retrouve, devinez où, mais en Allemagne pardi !
Je ressors donc mon porte-monnaie euros pour payer les nouvelles cartes qui me sont nécessaires, l'une pour rejoindre le Danube, l'autre pour descendre le Danube (partie 1, jusqu'à Passau). Et je retourne en Suisse où j'ai planté la tente.

Bravo la Suisse
Je tire mon chapeau à ceux qui ont réalisé le circuit que j'ai fais : signalétique et balisage parfaits, guide exactement comme il faut; les français pourraient en prendre de la graine. Visiblement, il y a une culture vélo que nous n'avons pas.

Parler allemand
En Suisse allemande, ils parlent allemand, c'est normal. Je me suis donc mis à l'allemand.
Bonjour se dit « guten tag » ou plus brièvement « tag » ou quelque chose qui lui ressemble. Mais selon le coin de Suisse, ça peut être aussi « guten morgen » ou « morgen »; il faut tester et être attentif. Parfois, ce n'était ni tag, ni morgen; mais une espèce de grognement, pas toujours le même, mais toujours incompréhensible. Idiome local ?
Et puis il y a « Bitte », « s'il vous plait », que j'utilise pour demander un renseignement à quelqu'un.
Pour dire « Au revoir », « auf wiedersehen » bien sur: prononcez simplement « zen », ça suffit amplement.
Ne pas oublier « wonderbar » « merveilleux », ça se place facilement et ça fait toujours plaisir.
Et enfin, « danke schön » ou simplement « danke ».

Muni de ce vocabulaire de base, on peut paraître comme un homme civilisé et s'adresser aux autochtones dans de bonnes conditions mais sans néanmoins présager du résultat.
Encore ce matin, je doublais toute une famille qui pédalait devant moi: quelques coups de sonnette; tout le monde se range. Bien sur, je remercie : « danke »: « bon giorno, preggo » me répond la dame.
La vie est parfois dure aux bonnes volontés.

30 juin – Fini la Suisse, bonjour l'Allemagne

Je ne suis pas encore sorti de Constance (en Allemagne donc, je vois que vous suivez attentivement), que je vois un homme uriner contre un arbre. Je suis sauvé. Gott mit uns, sans doute, mais sans son oeil inquisiteur.

De profil et de face
Photo de deux statues, de profil et de face; pour la première, la femme à l'entrée du port de Constance, je n'ai pas eu à bouger car elle pivote sur elle-même, balayant ainsi tout le lac en quelques minutes. Pour la seconde, je l'ai découverte de profil et avouez que la position est un peu ambigüe. Il faut regarder la statue de face pour comprendre que le Léopold en question tient un document roulé dans la main.

La presqu'ïle de Reichenau
Tout d'abord, l'église St Georges, avec ses vieilles peintures relatant l'histoire de la bible, et en super bonus, un élève qui joue de l'orgue sous la conduite de son professeur. Quelle agréable façon pour moi de commencer la journée.

Un peu plus loin, ce sera un monastère inscrit à l'inventaire de l'UNESCO.

Et puis je descends vers le petit port. Dix minutes d'attente et une navette pointe sa proue. Hop, j'embarque. Et là, vraiment, je découvre le lac de Constance en passant d'un village à l'autre. Longer le lac en vélo ou en voiture présente peu d'intérêt. Voir les paysages de rive depuis le lac, en bateau, ou en ski nautique pour les plus sportifs, est bien plus plaisant.

Gilet de sécurité
Je l'avais sur le dos depuis le départ, jaune fluo bien visible avec bandes réfléchissantes, et cela nous rassurait, Agnès et moi.
Je l'ai gardé en Suisse, mais comme je ne circule pratiquement plus qu'en site propre, donc sans voiture, qu'il y a plein de cyclistes partout, et qu'à plusieurs reprises, on m'a demandé où était les WC dame, à quel endroit on pouvait se baigner dans le lac, et d'autres choses encore que je n'ai pas comprises, je l'ai rangé pour ne plus être pris pour l'employé communal de service.

Le Danube
C'est à Tuttlingen que je l'ai rejoint. Comme à ce niveau le Danube n'a parcouru que 37 km, il n'est pas encore très impressionnant. Prenant sa source à 770m environ, et s'écoulant sur 2.800km, le Danube est du genre placide.
Pourtant notre première rencontre fut orageuse. Le guide acheté hier indiquait la présence d'un camping. Tout faux. Pas de camping.
Je consulte le guide à nouveau : 5km en remontant le Danube, le guide indique une auberge de jeunesse; j'y vais. Pas d'auberge.
Je ne sais plus trop quoi tenter. Je sais qu'à Tuttlingen, il y a des hôtels mais je ne souhaite pas en abuser car le budget en prend un coup à chaque fois.
Des grondements de tonnerre et un ciel bien gris emportent la décision. Je repars à Tuttlingen où je trouve une Gesthof pas trop chère, juste au moment où la pluie se met à tomber.
S'il y avait eu un camping, la tente aurait été montée et douchée pour la nuit.

PS pour les aficionados de St Jacques : Tuttlingen est aussi balisé de coquilles.

Trouver une épicerie
En Suisse, tout allait bien. Avec les COOP, les Migros et les SPAR, facilement repérables et toujours en centre ville, je n'ai jamais eu de soucis.
Pour cette première journée allemande, ce fut moins simple. Je n'ai pas encore trouvé l'enseigne qui me conviendra. Je suis déjà entré dans différents magasins pour en ressortir les mains vides. Le centre ville est phagocyté par les marchands de mobiles, les drogueries - beaucoup de drogueries me semble-t-il -, les produits de beauté, les kebabs et Quick en tout genre, mais de petits commerces alimentaires, nenni.
Fin de journée un peu speed.

J'ai quand même fini par trouver une grande surface, en cherchant mon hébergement du soir.
Et là, autre surprise, la disposition des rayons est complètement différente de celle que nous avons en France. Pourtant je croyais que ce genre de chose avait fait l'objet de nombreuses études de marketing démontrant qu'il fallait que les boissons soient ici et le fromage là, sur le parcours du client. A croire que les Allemands ne consomment pas comme les Français.
En parlant de fromages, pratiquement tous les noms sont français mais inconnus chez nous.
Dernières incertitudes : il me faut me refaire à de nouvelles marques, tester de nouveaux produits dont l'étiquette, en allemand, n'est pas toujours explicite pour moi. Alors, c'est la surprise à la dégustation.

1er juillet – Sigmaringen

Montagnes russes
Si le Danube dessine tranquillement ses pleins et ses déliés dans un plan quasi horizontal, le cycliste lui, pédale dans un plan perpendiculaire à celui du Danube, plein de creux et de bosses, du genre montagnes russes.
A propos, il me faut venir en Allemagne pour me poser la question de l'origine de l'expression « montagnes russes ». Quelqu'un a-t-il la réponse ?

Sigmaringen
J'ai déjeuné à Sigmaringen. Ce nom ne m'est pas inconnu mais j'ai cherché toute le matinée à quoi le rattacher. En plus de géodes et de lacunes dans les os, j'ai des trous de mémoire. Les hypothèses qui me sont passées par la tête :
- une chanson de Barbara
- un camp de concentration
- un film de Resnais
- le nid d'aigle de Hitler
- le château des Hohenzollern
- un film avec Sissi Impératrice

2 juillet – en route vers Ulm

Leçon de vélo
Je sors juste de Reidlingen où j'ai passé la nuit. Sur une aire visiblement destinée à cet usage, il y a un tracé de circuit dessiné au sol, des jeunes enfants sont alignés, prêts à partir au commandement. Voilà qui est fait. Ils se mettent à circuler en respectant les consignes.
Je prends une, puis deux photos, toujours surpris de l'importance de la culture vélo hors de France.
Un officier m'a vu et s'approche.
Lui : « Morgen »
Moi : « Morgen , wunderbar ! » (merveilleux, dont j'ai dit plus haut qu'il était toujours du meilleurs effet).
Lui, tout réjoui : « ........ (mettre ici une longue phrase en allemand dont vous comprenez que je ne la comprends pas) ... »
Moi : « ya, ya »
Lui : « .................. Donauweg (la route du Danube) ............ «
Moi : « ya, ya , ... wiedersehen, tchuss** »
Lui : « Bitte schön »
Et voilà notre homme le plus heureux de la terre.

** tchuss, je l'ai appris sur ARTE; c'est ce que dit le présentateur des infos de 19h45 à la fin de son journal. Depuis hier, je l'entends beaucoup (les vendeuses dans les supérettes par exemple), aussi, je l'utilise.

Dilemme
Je file à plus de 50 à l'heure dans une descente facile. Sur la droite défilent des cerisiers pleins de gros fruits noirs. Arghhh ! Que choisir ? La griserie de la vitesse, les plaisirs du palais. C'est le matin, des cerisiers, il y en aura peut-être d'autres.
Il n'y en a pas eu d'autres, mais quelle descente !

3 juillet – HOTSPOT à ULM

C'est bien attablé à la terrasse d'un café de ULM que je lis vos messages, y répond, et met à jour le blog. Attention, ULM est une grande ville allemande et non un de ces engins ultra-léger qui vole en pétaradant.


Hier, je suis passé à l'Office de tourisme qui m'a communiquer la liste de tous les points de branchement WiFi de la ville (hotspot). Le 1er auquel je tente de me connecter ce matin fonctionne à merveille, pour le prix d'un expresso.

Surtout, ne pas confondre café et expresso : l'expresso, c'est du café. Le café lui, c'est ce que dans le Nord (de la France), on appelle d'el chirloute, du jus d'cochette, quoi, comme on disait peut-être dans Les Ch'tis, de la lavasse, de la bibine, même qu'on voit le fond de la tasse pleine.

Au vu de vos messages, il semble qu'il fasse chaud en France. Ici, c'est supportable, même si les deux 1ères heures de pédalage sont les meilleures; j'y reviendrai dans une autre chronique. L'après-midi, c'est entre 25° et 30°.

Tchüss

dimanche 28 juin 2009

Chroniques suisses

Pour illustrer ces chroniques suisses, j'ai choisi l'image de cette vieille dame, assise sur son banc face au lac des quatre cantons. Telle que j'ai cru la deviner, la vie au bord d'un lac a un ton particulier, où dominent la paisibilité, la sérénité.

24 Juin – Faute d'inattention

Erreur classique au départ, le matin, quand l'esprit n'est pas encore bien affûté : prendre le chemin dans le mauvais sens. Je m'offre le luxe bien inutile de 328 m de montée sur 8 km. Sans échauffement, c'est un peu rude; surtout que dans les passages à plus de 10%, il me faut pousser le vélo.Dans l'après-midi, j'arrive à Interlaken, une de ces villes qui avait déjà tout compris au tourisme il y a plus d'un siècle. Beaucoup d'asiatiques, de marcheurs, de vieux (de plus vieux que moi) et de grosses voitures.Pour moi, la météo l'autorisant, ce sera camping.

25 Juin – Bon anniversaire
Les lacs se suivent : Thoune, Brienzer, Lungerer, Sarner, encadrés de hautes montagnes, parfois bien enneigées comme la Jungfrau, l'occasion de quelques photos.
Pour franchir le col du Brunig, le train se fait à crémaillère; je dois me contenter de mes jambes habituelles, pédalant-poussant, un peu légères dans cette grimpette qui n'en finit pas, à la vitesse à laquelle je progresse.
Pour me redonner du coeur à l'ouvrage, mais aussi pour fêter mon anniversaire et parce que le ciel se fait menaçant, je me paye un bon hôtel, avec sauna et caldarium.

Au menu du soir
Grilliertes Gemüse mit Pinienkernen
Italienische Gemüsesuppe
Gebratenes Rotbarschfiletin
ZitronbutterSalkartoffelnGemüse vom Markt
Quarkmousse mit Erdbeeren

A la serveuse dont je crois comprendre qu'elle me demande si cela me convient, je réponds 'ya', bien sur.
Le quarkmousse, au dessert, j'en ai déjà dégusté plusieurs, c'est un peu comme le cheesecake en Irlande : il y en a des délicieux et il y en a qui ont le goût de savon; celui d'hier était acceptable.

26 juin –Etape de transition
Pas grand chose à dire pour cette journée de vélo :
- le lac des quatre cantons était dans la brume.
- Lucerne bien sur, avec son pont tout en bois, mais tout le monde le connaît, au moins en photo.
- La photo où passe le vélo couché : je préparais le cadrage de ce superbe aménagement de voies cyclistes quand est arrivé le vélo couché; j'ai donc attendu qu'il soit dans le champ pour prendre la photo. Heureux hasard car c'est le seul vélo couché que j'ai croisé en Suisse.
- Le forcing qu'il m'a fallu faire pour arriver avant le gros orage qui me coursait derrière depuis un moment; j'ai décalé l'heure du déjeuner et fonçé ... pour arriver à l'abri à Zug en même temps que les premières gouttes d'un beau déluge.

De Zug où j'ai dormi, je retiendrai deux choses :
- le marché aux cerises, éh oui, un marché – pas bien grand, il est vrai – complètement consacré à la cerise et à ses dérivés, pâtisserie, liqueurs, confitures, ... un pays de rêve, je vous dis.
- La jeunesse que je croise, le soir, pour ma promenade digestive le long du lac. Garçons et filles déambulent ou discutent, assis sur un banc, avec une canette à la main, voire même un pack de bière, quand il ne s'agit pas d'alcool plus fort. Cela me laisse une drôle d'impression, dans ce pays où tout est clean dans la journée, où même l'herbe sait qu'elle doit s'arrêter de pousser là où commence l'asphalte.


27 juin - L´oeil était dans la tombe ...
Il y a deux ou trois jours, j'ai vu un panneau indicateur avertissant de la présence de radar, panneau sur lequel un gros oeil scrutait une voiture sous lui – on voyait des rayons partir de l'oeil - désolé, je n'ai pas pris la photo.
En Suisse, j'ai parfois l'impression que cet oeil me surveille aussi. Quand je cueille quelques cerises, par exemple, chose qu'avec Agnès, nous faisions le plus naturellement du monde en France, dès qu'une branche dépassait un temps soit peu d'une clôture, et sans aucune vergogne quand il n'y avait pas de clôture. Autre exemple plus trivial : quand il me faut faire pipi. Autant, en France, le moindre arbre, la moindre haie suffisent à mon bonheur, autant en Suisse, rien que le fait d'y penser me semble incongru. Peut-être les Suisses n'ont-ils pas de prostate ? Et traverser en dehors des passages piétons, vous n'y songeriez quand même pas ?

A part ça, ce fut ma plus mauvaise journée depuis le début; de l'eau en abondance !

28 Juin – Le dimanche, je pense
Je pense à mes amis du vélo qui doivent faire leur sortie matinale et dominicale; j'espère qu'Agnès les a rejoints.
Et puis, quand il me faut pousser le vélo, je pense à Janine.
Et quand j'ai un petit élancement au genou, je pense à Nathalie (et je change de pignon aussitôt)
Et quand je passe à Einsiedeln, je pense à Denise
Et quand je vois un cycliste en jaune, je pense à Pierre-Yves
Et quand je vois l'hôtel Rössli, je pense au Mannerchor de StreffisbourgEt quand je vois un beau paysage, ou que j'ai passé une difficulté, je cherche la main d'Agnès.

Sondage réalisé ce 28 juin sur la population suisse vue de mon vélo.
Le dimanche, les Suisses pratiquent – dans l'ordre – le vélo, le patinage (roller), le jogging, la marche (avec bâtons), la planche à voile, la plongée, le cheval, la varappe, le saut en parachute.

Faut-il que je vous aime ! Pour me connecter à Internet qui me fait défaut depuis quelques jours, je suis allé prendre une consommation dans un McDo. Tout routard sait qu'internet est gratuit dans un McDO. Une surprise, le café était le meilleurs de ceux pris en Suisse, et le moins cher. Une autre surprise, pour se connecter, la procédure est telle qu'il faut un téléphone portable pour recevoir un code. Désolé, je n'ai toujours pas de portable.

Et merci pour vos messages d'encouragement amicaux.